Relire la construction territoriale et les dynamiques de la valorisation foncière
Responsables scientifiques : Sylvie Duvillard, Anne-Marie Granet-Abisset, Luigi Lorenzetti
Dans le passé, avant les grands travaux d’assainissement et de protection, les fonds de vallées non endigués étaient considérés comme des espaces inadéquats à une exploitation intensive voire même à l’implantation de sociétés, à la différence des hautes vallées. Ces terres n’étaient cependant pas dépourvues de valeur économique et productive, grâce notamment aux diverses formes de valorisation dont elles étaient l’objet (production de fourrage, terres pour le pâturage, pêche, transport fluvial, etc.). Elles étaient aussi en lien suivi avec les villes et les bourgades des avant-pays plus ou moins proches.
À partir du XIXe siècle ces espaces ont subi d’importantes transformations liées aux innovations agronomiques et aux transformations des régimes de propriété, à travers la suppression graduelle des propriétés ou des droits collectifs au profit de la propriété privée individuelle. Les changements se sont accélérés dans le siècle suivant. Certaines de ces vallées ont été modifiées par les implantations industrielles, qui les ont inscrites dans le statut et l’image de « territoire de l’innovation ». Dès la seconde moitié du XXe siècle, ils ont été transformés de « golfes de plaine agricole » à espaces dominés par les phénomènes de périurbanisation.
Actuellement, certains fonds de vallées alpins sont les espaces les plus fortement soumis à la pression anthropique et parmi les aires du continent européen les plus dynamiques du point de vue démographique et économique, grâce à leur rôle de connexion territoriale. À l’inverse, d’autres sont devenus des lieux de désertifications.
À travers une approche diachronique et nécessairement comparative, la session envisage de vérifier comment les transformations territoriales des fonds de vallées ont agi sur les relations entre les terres basses et les terres hautes, modifiant la verticalité propre aux espaces montagnards. Dans une approche tenant compte de la modification des contextes socio-économiques globaux, la session se propose de valider les impacts de la reprise de valeur des terres hautes sur les fonds de vallées.
Il s’agira de vérifier les différentes modalités de transformations, selon les vallées, de saisir notamment les impacts sur la terre et ses différents usages, influençant la place du foncier dans les décisions. En définitive, il faudra s’interroger sur la manière dont ces transformations ont modifié le système de relations verticales terres hautes/terres basses et ont alimenté des processus d’innovation sur le plan territorial comme sur le plan social et économique.
D’une manière plus générale, la session souhaite vérifier si l’idée du glissement des fonds de vallée alpins d’une situation de « marge », mais en continuité avec le territoire alpin et fortement intégré dans ce dernier, à une situation où l’accroissement de leur valeur est allée de pair avec une déconnexion croissante avec le territoire auquel ils appartiennent ou au contraire, si les nouvelles activités économiques les ont reconnectés avec celui-ci. Les comparaisons permettront de mesurer la diversité des situations au sein des montagnes et d’envisager la spécificité de ces territoires selon d’autres critères.
Valley floors and high-altitude areas: reinterpreting territorial construction and land value dynamics
Lead scientists: Sylvie Duvillard, Anne-Marie Granet-Abisset, Luigi Lorenzetti
In the past, before extensive draining and protection work, valley floors that were not embanked or dammed up were considered inadequate for intensive land use, and even for the establishment of societies, unlike higher up in the valley. However, these lands were not without a certain economic and productive value, thanks notably to the various forms of development which they sustained (production of fodder, lands for grazing, fishing, carriage by river, etc.). They were also in the continuation of the towns and villages of the forelands more or less nearby.
From the beginning of the 19th century, these spaces underwent significant transformations resulting from agricultural innovations and changes to ownership regimes, with the gradual abolition of properties or collective rights to the benefit of individual private ownership. These changes gathered momentum in the 20th century. Certain valleys were altered by industrial installations, which conferred upon them the status and image of «territories of innovation». By the second half of the 20th century, they went from «agricultural plain areas» to areas overshadowed by peri-urbanisation.
At present, certain alpine valley floors are the spaces most subject to anthropogenic pressure, as well as being among the European continent’s most dynamic areas from a demographic and economic perspective, thanks to their «territorial connection» role. Conversely, others have become de-populated areas.
Via a time-dependent – and necessarily comparative – approach, this session sets out to verify how territorial transformations of valley floors have impacted the relationships between the low-lying and high-lying lands, modifying the verticality specific to mountain areas. Taking into account the modification of global socio-economic contexts, the session seeks to confirm the impacts of the increased value of high-lying lands on the valley floors.
This will involve verifying the various transformation modalities, depending on the valley, and in particular understanding the impacts on the land of its different usages, which influence the weight of land ownership in decisions. Finally, we must examine how these transformations have modified the system of vertical relations between high lands and low lands, and how they have fuelled innovation processes both on a territorial level and on a social and economic level.
More generally, the session seeks to verify the idea of alpine valley floors sliding from a «fringe» situation (albeit one in continuity with, and highly integrated in, the alpine territory) to one in which their increased value has gone hand in hand with a growing disconnection from the territory to which they belong, or, on the contrary, whether new economic activities have effectively re-connected them to the corresponding territory. Comparisons will serve to gauge the diversity of situations within mountain regions, and to envisage the specificity of these territories based on other criteria.