Responsables scientifiques : Raffaella Balzarini, Anne Dalmasso
Depuis que les montagnes ont été regardées, elles ont non seulement été décrites mais également représentées par différentes catégories d’images fixes et animées. Après les gravures et les peintures, la photographie, les cartes à plat puis en trois dimensions, les montages animés puis le film (familial ou télévisuel) ont rendu visibles la réalité et les représentations que s’en font les réalisateurs. Certaines images ont été produites dans un but de découverte, construites autour du regard porté par les élites touristiques, alpinistes ou voyageuses sur des territoires qu’ils rendaient sensibles de manière contradictoire : beauté des paysages et valorisation de leurs propres activités et déploration des transformations de territoires et de sociétés qu’ils considéraient comme aux antipodes de la modernité. Les cartes, notamment celles réalisées par et pour les troupes alpines, avaient une double fonction de connaissance et de maîtrise. D’autres images, plus récentes, misent au contraire sur la valorisation et le marketing de ces espaces vus comme des lieux d’innovations dans les pratiques (sport, tourisme) et les usages qui leur sont attribués (espaces protégés, nouveaux lieux de vie).
Qu’elles soient réelles ou fictionnelles, toutes ces images ont comme objectif de rendre compte d’une réalité en utilisant des procédés souvent les plus modernes dans leur contexte de production. Elles répondent à des besoins multiples, divergents ou complémentaires, notamment de sécurisation, d’aménagement et de valorisation.
Les militaires par exemple dès le XVIIIe siècle ont pensé et matérialisé l’idée de l’altitude, reproduite sur les premières cartes qui étaient aussi des moyens d’inventorier les sommets avant même leur conquête par les alpinistes. Deux siècles plus tard, les plans des pistes qui ont accompagnés l’essor des stations répondent à des besoins d’autres modes de représentation adaptés aux nouvelles pratiques de la montagne et aux demandes des gestionnaires de domaine skiable. C’est aussi l’usage de la photographie considérée comme une technique novatrice pour rendre compte des exploits sportifs et alpinistes, pour valoriser des territoires en vue de leur publicité, mais aussi comme support de prise de décision d’aménagement.
Il est indiscutable qu’actuellement la diffusion de nouveaux procédés de représentation a induit une cohabitation de plus en plus confuse entre des types de supports et d’informations très variés : du plan papier aux sites web, des apps smartphone en 3D aux panneaux d’affichages en temps réel, des SIG aux flux de big data. Cette situation pose un certain nombre de problèmes aux opérateurs sur le choix de l’information qu’ils veulent transmettre à leurs usagers (touristes, secouristes, aménageurs…) pour des besoins spécifiques. Mais cette prolifé- ration modifie aussi les perceptions que les pratiquants ont de la montagne et les messages que les opérateurs cherchent à diffuser voire à vendre.
Cette session a un double objectif, celui de proposer une analyse des procédés retenus au fil du temps pour rendre compte des réalités montagnardes, via images et cartes prises au sens le plus large, et celle des productions elles-mêmes choisies pour représenter les territoires de montagne. Les deux dimensions méthodologiques et thématiques sont conviées pour tenter de saisir comment et par qui ces représentations sont produites, utilisées voire instrumentalisées, et avec quelles conséquences dans le fonctionnement des territoires de montagnes.
Il est intéressant de confronter les méthodes et les choix faits pour des massifs variés que ce soient les Alpes dans leur dimension plurinationale, les Pyrénées, ou d’autres massifs dans ce que l’on choisit de montrer et pour quels usages, avec quelles attentes et quels effets.
Representing mountain regions. Images and maps to influence the territories
Lead scientists: Raffaella Balzarini, Anne Dalmasso
Ever since humans have cast their eyes upwards at them, mountains have not only been described, but also represented by different types of still and moving images. Carvings, paintings, photography, paper maps, 3D maps, cartoons and films (home movies or television) have all projected both the reality and the representations of their authors. Some images were produced for discovery purposes through the eyes of an elite of tourists, mountaineers or travellers on territories captured in contradicting ways: magnificent landscapes and the veneration of their own exploits, or lamentation of the transformations of territories and societies considered at odds with modernity. Maps, especially those created by – and for – Alpine troops, served the dual purpose of knowledge and control. Conversely, other more recent images focus on the enhancement and marketing of these spaces, seen as places of innovation both in terms of their practices (sport, tourism) and their uses (protected spaces, new living spaces).
Whether real or fictional, the purpose of all these images is to account for a reality using processes that are usually the most recent in their sphere of production. They respond to a whole host of divergent or complementary needs, in particular security, development and valorisation.
For example, as early as the 18th century, the military devised and represented the concept of altitude, reproduced on the first maps, which were also a means of identifying peaks even before they had been conquered. Two centuries later, with the rapid development of ski resorts, maps of ski slopes offered another form of representation, this time adapted to new mountain pursuits and in response to demands from those responsible for the ski areas. Regarded as an innovative technique for representing sporting and mountaineering exploits, photography was also used to underscore the value of mountain territories in view of their promotion, but also to support development decision-making.
Clearly, today’s widespread use of new means of representation has brought about an increasingly confusing abundance of media supports and information, whether it be paper maps or websites, 3D smartphone apps or real-time billboards, GIS systems or big data flows. This situation raises a number of issues for operators concerning which information they want to pass on to their users (tourists, first-aid personnel, land developers, etc.) for specific purposes. However, this proliferation also changes users’ perceptions of mountain regions, and the messages that operators want to send out or even sell.
This session has a twofold objective: an analysis of the processes adopted over the course of time to represent the realities of the mountain terrain via images and maps (in their broadest sense), and an analysis of the productions themselves selected to represent mountain territories. These two methodological and thematic aspects are explored to attempt to understand how and by whom these representations are produced, used or even exploited, and with what consequences to the «operation» of mountain territories.
It is interesting to confront the methods and choices made by different mountain ranges, whether it be the Alps with their multi-national dimension, the Pyrenees, or other massifs, in terms of what they choose to show and for what uses, with what expectations and what effects.